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Interview de William Puech dans « l’Hérault Tribune » au sujet des systèmes de vidéoprotection des JO 2024

Montpellier : IA, sécurité, biométrie, quels sont les nouveaux enjeux de la vidéosurveillance ?

Lois — Montpellier

William Puech est enseignant chercheur en traitement de données multimédia visuelles au sein de l’équipe ICAR du Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM). Il a été consulté par la CNIL dans le cadre de la mise en place des systèmes de vidéoprotection des JO 2024

Manon Pichon

Publié le 23 octobre 2023 à 19:36 dans l‘Hérault Tribune

Interview

William Puech ©Manon Pichon
William Puech ©Manon Pichon

JO 2024 : IA et drones sur le podium

La loi d’organisation des JO 2024 comprend un volet “vidéosurveillance intelligente” ou “vidéosurveillance augmentée”, évoquant un recours à l’IA. Pour quels objectifs ? “Pour les JO, l’application première va être l’analyse prédictive des flux de foule. En observant les personnes qui sortent du métro, pouvoir prédire le nombre de personnes qui vont arriver dans un stade et leur heure d’arrivée, selon l’itinéraire, par exemple. C’est aussi utile en cas d’incendie pour les guider dans la bonne direction et alerter les secours”, répond William Puech.

Une surveillance qui sera aussi encadrée par l’utilisation de drones. “Un premier type d’application sera la prise d’image complémentaire d’un point de vue sportif, mais cela servira surtout à identifier des problèmes de mouvements de foule ou d’incendies, pour pouvoir venir en aide aux secours”, souligne  le chercheur.

IA et vidéosurveillance : apprendre à reconnaître

L’analyse et la détection de problèmes de sécurité supposent un apprentissage basé sur des millions d’images. Sur plus de 30 ans d’archives, seules celles des 10 dernières années sont utilisées. Auparavant, les puissances de calcul des ordinateurs et les résolutions de caméras n’étaient pas suffisantes. Surtout, toutes les vidéos ne sont pas annotées de manière à “pouvoir mettre un nom sur les images analysées, un petit peu comme un bébé qui apprend à parler, si on devait faire une analogie”, explique William Puech.

L’identification et l’analyse, de foule notamment, n’est pas synonyme d’identification de personne. Pour le chercheur, il y a une distinction importante à opérer. “Avec ces systèmes, on peut se sentir protégés, mais aussi surveillés. Mais ce sont les comportements des individus qui sont surveillés, par les individus eux-mêmes.

Si on prend l’exemple récent des attentats de Bruxelles, c’est grâce à un ensemble de caméras qu’on a pu repérer les déplacements de l’individu. C’est dans un second temps, si on détecte un acte malveillant, qu’on cherche à identifier la personne. Pour cela, on va faire appel à une base de données avec des millions de visages pré-identifiés, et chercher une corrélation”, précise William Puech.

Sécurité et biométrie

Un respect de la vie privée que les chercheurs ont intégré.“Dans notre équipe, nous sommes soucieux du respect de la vie privée. Nous mettons en place des zones de masquage, en particulier sur les visages. L’inconvénient de cette technique : elle est irréversible pour identifier une personne a posteriori. C’est pourquoi nous mettons plutôt en place des systèmes de clés secrètes, avec un brouillage qui perturbe la transmission. Ceci permet aussi d’éviter une interception du signal. Avec cette méthode, si on doit finalement identifier quelqu’un, on est capable de reconstituer la vidéo originale” indique le chercheur.

Cette sécurisation de données, pour des systèmes à haute sécurité comme des accès à des coffres-fort de banque ou des centrales nucléaires, fait appel à de la biométrie. “Aujourd’hui, la biométrie ne fonctionne pas qu’avec un moyen d’identification unique comme une empreinte digitale, mais par combinaison d’éléments. Sinon, il y a un risque de ‘spoofing’, c’est- à dire une usurpation d’identité biométrique. Cela peut être via une impression de visage 3D, de la récupération d’empreinte avec du scotch puis du latex, comme on le voit dans les films. Là, typiquement, en terme de sécurité, on met en place un capteur de température pour voir si on est bien face à une température corporelle humaine et non pas un objet. Si ce n’est pas suffisant, on peut même mettre en place un détecteur de pulsations cardiaques. Les systèmes de sécurité se perfectionnent à hauteur des attaques”.

La vigilance du futur

Face à des systèmes de sécurité presque futuristes, William Puech voit le futur de la vigilance numérique avec des techniques actuelles. “On parle de vidéoprotection mais il n’y a pas que ces systèmes qui permettent l’analyse de foules. Sachant que tout le monde a un téléphone portable aujourd’hui, votre téléphone, à moins qu’il soit en mode avion, va toujours chercher à localiser la borne la plus proche possible. Ainsi, on peut tracer le parcours de quelqu’un qui se déplace du moment qu’il y a des bornes relais, et l’identifier par son numéro de téléphone. Et pourtant, là, il n’y a aucune caméra” conclut le chercheur.